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Cette formule du chirurgien René Leriche, datée de 1936,
continue à être largement reprise dans de nombreux articles encore aujourd’hui.
On la retrouve parfois amputée (« la santé c’est le silence des organes »),
souvent commentée et critiquée. Elle est jugée inexacte, obsolète. Pourtant cette
définition apparaît tout à fait intéressante à plus d’un titre.
Si l’on veut saisir la portée de cet aphorisme, il faut le resituer dans son contexte historique et
préciser rapidement le parcours de son auteur.
Un peu d’histoire
René Leriche est né en 1879, il devient docteur en médecine en 1906.
En 1917, il publie deux ouvrages dont un sur le traitement de la douleur. I
l introduit la notion de chirurgie non traumatique, douce, économe en sang.
Il s’oppose à l’école anatomo-clinique et insiste sur la notion de pathologie fonctionnelle.
On le présente comme un spécialiste de la chirurgie du sympathique et du phénomène de la douleur.
On lui attribue les citations suivantes :
« L’étude de la douleur conduit à une médecine humaine dans tous ses gestes. »
« La douleur ne protège pas l’homme. Elle le diminue. »
On peut insister sur le fait que deux syndromes portent son nom. Le premier, syndrome de Leriche ou syndrome de l’oblitération termino-aortique par artérite de Leriche, ne retiendra pas trop notre attention. Mais le second, le syndrome de Südek-Leriche ou algo-neuro-dystrophie (maintenant Syndrome douloureux régional complexe (SDRC) ou Complex Regional Pain Syndrom, CRPS en anglais), apparaît beaucoup plus intéressant pour notre sujet. On rappelle que l’algo-neuro-dystrophie associe des douleurs d’une articulation ou d’une extrémité, responsables d’une impotence, des troubles trophiques avec troubles vaso-moteurs et apparition retardée d’une déminéralisation de la croissance osseuse ainsi qu’une fréquente migration à d’autres localisations. Cette maladie complexe reste encore aujourd’hui mal connue, elle est classée parmi les maladies orphelines.
On retiendra que Leriche est un chirurgien pour le moins atypique traitant de la pathologie fonctionnelle et qui fut l’un des premiers à s’intéresser à la douleur ; il laisse en particulier son nom à un syndrome douloureux encore mal connu aujourd’hui
Les dérives à vouloir faire de la santé un concept scientifique nous invitent donc à revenir à la définition de Leriche dont nous avons essayé de souligner les points d’importance : la santé, un concept vulgaire, la promotion de la douleur au rang de symptôme, l’importance de la fonction, et la souffrance comme réalité pathologique.
25Cet aphorisme s’appuie donc sur une clinique du particulier, sur la demande explicite du patient. Ce qui est l’attention du médecin, c’est la santé du patient. Avec la médicalisation de l’existence, la quête d’une « super-norme », la santé, vidée de son sens existentiel, est devenue de nos jours un enjeu politique.
Les dérives à vouloir faire de la santé un concept scientifique nous invitent donc à revenir à la définition de Leriche dont nous avons essayé de souligner les points d’importance : la santé, un concept vulgaire, la promotion de la douleur au rang de symptôme, l’importance de la fonction, et la souffrance comme réalité pathologique.
25Cet aphorisme s’appuie donc sur une clinique du particulier, sur la demande explicite du patient. Ce qui est l’attention du médecin, c’est la santé du patient. Avec la médicalisation de l’existence, la quête d’une « super-norme », la santé, vidée de son sens existentiel, est devenue de nos jours un enjeu politique.